vendredi 27 novembre 2009

Mythique Patagonia

Nous nous elancons donc sur la Ruta 3 qui continue de traverser le Pays jusqu au bout du monde, en Terre de Feu.
Enfin, s elancer n est pas vraiment le terme le plus adapte pour definir nos premieres heures sur cette route rectiligne ou le vent feroce et glacial est le roi tout puissant, nous envoyant constamment des rafales givrees de 60-70 km/h (ce qui n est rien, on a vu pire depuis !). De temps en temps, une accalmie de quelques secondes nous permet de lever la tete sans qu elle ne s envole pour admirer les paysages de cette fin de ce continent sud-americain : des espaces immenses, divises en parcelles dont les limites echappent a nos yeux trop bas, et ou moutons, agneaux, guanacos (petits lamas) et nandus (autruches locales)semblent paisiblement profiter de leur solitude. Des estancias (grandes proprietes constituees de plusieurs maisons ou les hommes travaillent la terre, s occupent des elevages de moutons, pour le compte d un "dueño",proprietaire terrien) parsement le tableau. Elles sont peu nombreuses sur la route. Nous en croisons 2 ou 3 sur 30 km.
Le decor est pose, les difficultes peuvent arriver.
Depuis notre depart de Rio Gallegos, la roue arriere fait un bruit metallique que nous entendons peniblement a cause des 3 couches qui protegent nos pauvres petites oreilles... Sylvain s arrete au bout de 15 km, demonte la roue arriere et commence son nouveau jeu : le reglage des rayons avec un outil permettant de coincer le rayon et de tourner des quarts de tour pour les serrer, puis les desserer pour centrer la roue, puis les reserrer pour solidifier la roue supportant pres de 120 kg, passager arriere compris !
Nous nous refroidissons sur le bord de la route et la pluie commence a arriver. Vite, il faut remonter la roue pour eviter qu elle ne soit humide a l interieur, et attendre de se faire arroser puisque de toute facon, il n y a rien pour nous proteger du vent, alors de la pluie...
La pluie cesse, rebelote.
Nous repartons. Sylvain transpire enormement sous son t-shirt, sa veste et son manteau. La roue semble a present fragilisee et le velo tangue, semble de trembler de froid comme son conducteur... 2eme arret prolonge pour de nouveau resserrer tous les rayons. Sylvain commence a etre tetanise de froid. Nous repartons vite, dans l effort, il va beaucoup mieux. S arreter devient un supplice pour lui. La pause dejeuner est ecourtee, les pauses "repos" se font rares.
Notre ami Anibal, avocat a Rio Grande, 2eme ville apres Ushuaia en Terre de Feu, a prevenu la gendarmerie de la frontiere qui se situe a 45 km de Rio Gallegos (eh oui, car pour continuer la route en Terre de Feu, il faut d abord passer au Chili) que nous arrivons et que nous avons besoin d un endroit ou planter la tente.
Mais a 17h, le verdict tombe : nous n y serons jamais. Sylvain commence a voir des etoiles toutes brillantes, son corps desormais en milieu aquatique a declenche l alerte orange (moi, ca va plutot bien, je deviens la tete froide de l equipe, derriere la digue du pilote !). Nous voyons au loin les contours d une estancia qui, nous l esperons, pourra nous accueillir pour la nuit dans ces plaines desertes.
Nous nous avancons dans le domaine qui semble inhabite. Un jeune homme sort d une des baraques. Nous le saluons, il nous embrasse (cool, ca commence bien!). Nous lui expliquons la situation. Il nous invite a le suivre dans une partie de la propriete ou des petites cellules sommairement meublees nous tendent les bras et les fils a linge pour faire secher Sylvain et ses habits, qui ne sont pas humides, ni trempes, mais gorges d eau. Il porte dans un holter au-dessus de son t-shirt nos papiers et les documents admistratifs. Le permis international en papier cartonne semble avoir ete oublie dans la machine a laver... Pablo, notre sauveur du jour, a 25 ans et vit seul dans cette estancia a 30km de la ville la plus proche, n a pas de voiture (et encore moins de velo!). Il assure la maintenance de la propriete : jardin potager, animaux (poules, oies, lapins, chiens...), batiments. Le dueña vient de temps en temps pour recuperer des legumes, cueillir des fleurs, faire un asado avec ses amis... Nous prenons un mate avec Pablo qui nous fait visiter cette estancia. Il nous fait decouvrir la Cumbia, musique populaire ou les jeunes filles se mettent a pleurer lorsque le chanteur arrive sur la scene, et nous propose de partager avec lui un asado de cordero (agneau), que nous ne refusons pas ! Il nous joue des airs de musique traditionnel a la guitare, nous raconte sa vie, nous parle de ses origines. Il est tres curieux de connaítre les prix en France d un kilo de boeuf (?), d un manteau, d une C4...
La nuit tombe, la Patagonie est un festival de couleurs pour ses payages changeant d une minute a l autre. C est MAGNIFIQUE.
De retour dans nos penates, les vetements sont toujours mouilles, la temperature est proche de 0 c et nos duvets sont incontestablement le meilleur achat que l on aie fait pour ce voyage !

Nous quittons Pablo et reprenons notre calvaire, euh non, la route en Patagonie. Nous nous disons que nous sommes completement bargeots... vogue la galere !
On reprend les memes et on recommence.
Notre objectif de la journee : la frontiere ou les gendarmes sont prevenus de notre arrivee.
Nous y voila justement. Nous nous arretons au premier batiment ou Lucas et Sergio nous invitent a boire un cafe chaud et manger un peu. Nous leur expliquons la situation, que nous souhaitons dormir ce soir a cote du batiment, ils appellent leur chef et nous annoncent que nous devons passer la frontiere et aller dormir au Chili, il y a un hotel a quelques km. Bon... Nous nous dirigeons au service emigration cote argentin, commencons les formalites (les militaires se prennent en photo avec le tandem) et Sylvain est intercepte par un gendarme tres serieux. Le temps de finir de remplir les documents de sortie du territoire, je me retourne et je le vois entoure de 5 braves gaillards tout de vert kaki vetus, essayant de parler avec les mains. Le chef nous demande si nous connaissons quelqu un en Terre de Feu qui travaille dans la justice... Petite investigation pour verifier qu il n y a pas d autres Francais cingles en velo qui trainent dans les parages... Il nous invite a repondre au coup de fil de notre ami Anibal, puis nous demande d attendre... quoi, nous n avons pas trop compris. Nous profitons de cette attente pour faire secher les vetements de Sylvain sur les radiateurs (la grande classe ces Francais!). 1h plus tard, il revient et nous annonce que nous dormirons non pas dans la tente mais dans le batiment ou nous nous sommes rendus au debut, qui en fait est la caserne.
Nous avons donc vecu 15 heures dans un autre espace-temps, puisque nous sommes sortis le 22 nov d Argentine et sommes rentres au Chili le lendemain matin.
Les militaires sont aux petits oignons avec nous. Apres avoir dine du reste de riz du dejeuner, un militaire est venu nous chercher pour... diner avec eux, une bonne assiette de pates a la bolognaise et des beignets. Nous nous trainons rassasies dans la salle de repos qui sera notre douillette chambre au chaud pour cette nuit glaciale.

Le lendemain, lever a 6h. D apres notre grande experience sur cette terre hostile aux cyclistes, nous pensons pouvoir pedaler au moins 1h sans vent qui s est toujours leve ces derniers jours vers 8h-9h. Nous passons donc la frontiere, nous voila donc au Chili. Les paysages commencent a changer, plus vallonnes, la route devient moins rectiligne. Soudain, en haut d une cote, nous apercevons le Detroit de Magellan. Nous prenons conscience que nous sommes tout en bas de l hemisphere sud (la Terre de Feu est une, en fait plusieurs iles). Sensation de liberte, emerveillement, motives pour notre decouverte de la Tierra del Fuego.
Nous arrivons tot dans l apres-midi, apres 70km, eh si, au pied du detroit ou nous devons prendre le ferry le lendemain. Le vent dans le dos nous a pousse a 20 km/h sans pedaler sur les 15 derniers km. Nous avons enfin trouve la technique pour gerer la chaudiere de Sylvain : enlever le manteau pendant l effort pour supprimer l effet d etuve, le froid compense par la chaleur de l effort permettant contrairement a ce que nous pensions de retirer cette 3eme couche.
Nous admirons ce bras de mer. Le vent semble s apaiser. Nous nous reposons et passons la nuit sous tente au bord del Estrecho de Magallanes (genial non ?).
Nous traversons donc le Detroit (et omettons de payer la traversee : nous pensions que quelqu un viendrait nous demander de regler notre du, personne n est venu... il fallait en fait se presenter spontanement a un guichet a bord du ferry... tant pis !) et attendons de l autre cote Anibal qui vient nous chercher en voiture. Nous attendons qq heures devant un hotel ferme, voyant defiler les quelques camions, bus et voitures sur les ferrys qui font les allers-retours. Nous nous croyons dans Bagdad Cafe, meme ambiance, meme silence, meme atmosphere d abandon...
Anibal arrive avec 2 auto-stoppers francais qui viennent de St Malo et de Nantes (le monde est vraiment petit !). Il nous ramene chez lui, le velo sur la galerie de la voiture, a Rio Grande, ou il vit avec ses deux filles, Antonela et Agostina, 13 et 15 ans et allons decouvrir avec lui sa Terre de Feu dans les moindre recoins. Nous sommes accueillis comme des membres de la famille et partageons avec eux leur vie quotidienne.
Nos debuts dans ce bout du monde ont ete difficiles. Nous avons vecu a distance le depart du Grand-Pere de Sylvain vers d autres cieux. La famille nous manque cruellement en ces instants.
Nous nous preparons pour partir en week-end dans une Estancia ou l elevage de moutons est traditionnel.
Nous avons decide de partir en voyage en Argentine et au Chili en tandem, pour le plaisir de savourer chaque instant ou nous sommes acteurs de notre voyage, pour toutes les rencontres sur notre chemin. Souffrir fait partir du package, mais ne faire que souffrir nous interesse assez peu en fait. Nous constatons que les elements naturels (vent, froid, grele) sont ici plus que jamais les maitres du jeu. Pour atteindre Ushuaia de Rio Grande, il nous faudrait pedaler 250 km en 8-10 jours, dont la moitie par vent contraire (hier alerte meteo 100km/h, on a fait 25 km A/R, la partie penible en premier !). Anibal nous propose de nous faire decouvrir la Patagonie avec lui, en parcourant les parties les plus interessantes en tandem. Notre ami Jorge de Buenos Aires devrait nous rejoindre le week-end du 4-5 decembre a Ushuaia pour decouvrir ensemble la ville et les environs.

3 commentaires:

  1. Hourra pour les aventuriers de Patagonia!!! Quel beau voyage vous êtes en train de faire!!!! meme si parfois, on souffre aussi un peu avec vous...on profite des paysages également! Oscar vous envoie pleins de bisous d'encouragement...et nous aussi! Encore bravo!

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  2. J'ai l'impression d'avoir de l'eau dans mes chaussures en te lisant ! Heureusement que les argentins sont 'divinos' ! Bon courage pour la suite ! On a hâte de vous lire.

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  3. Courage les aventuriers!! Il y aura des jours plus heureux et plus chauds surtout !! On pense fort à vous !! biz biz

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